Le jour où l’ange a chanté pour moi

Scott Mac Gregor, d’après Billy Tyler (traduit de l’anglais)

 

Je ne sais toujours pas pourquoi je me suis arrêté ce jour-là… J’avais si mauvais caractère que j’en étais venu à m’identifier à Ebenezer Scrooge, le fameux héros de Charles Dickens. Au début, ce n’était qu’une plaisanterie, mais au fil des années, je sentais mon cœur et mon esprit se dessécher comme une feuille morte. Tout cet engouement, toutes ces histoires de faire le bien autour de soi à Noël étaient absurdes et c’était plus que je ne pouvais en supporter…

      

Parler de paix sur terre n’était qu’une mascarade pour cet ancien du Vietnam que j’étais. En effet, j’étais revenu dans mon pays avec la conviction qu’on ne connaîtrait jamais rien d’autre que la guerre sur terre, et que, tout au mieux, celle-ci était ponctuée de périodes de lassitude où les combattants s’arrêtaient un moment, histoire de reprendre leur souffle. Je me montrais cynique à l’égard de ceux qui, à Noël, se croyaient meilleurs que les autres en prêchant la « bonne volonté », tout en vivant dans l’insouciance, oublieux de la douleur et du chagrin qui frappaient leurs voisins, proches ou éloignés. Pour la plupart de ces gens-là, cela dit en passant, le plus loin ils étaient de ces voisins, le mieux ils s’en portaient.

      

J’étais auteur et créateur de bandes dessinées. Un homme désabusé. Pour moi, la vie n’était qu’une longue souffrance qu’il fallait endurer. Oui, croyez-le ou pas, j’écrivais des scénarios de bandes dessinées pour enfants — le genre d’histoire où le héros pourfend les méchants et où le bien triomphe de tous les maux. Ainsi, non seulement je passais mes jours à haïr le monde, mais je gagnais ma vie en écrivant des bêtises forgées de toutes pièces, que je haïssais tout autant.

      

Alors, comment ai-je pu m’arrêter pour regarder des enfants qui chantaient Noël ? Cela demeure un mystère. Je contemplais leurs visages, en me demandant ce qui pouvait bien les motiver à braver le froid et à chanter pour les passants. Je vous assure que je n’avais qu’une idée en tête, c’était de reprendre mon chemin, comme la plupart des autres badauds, pour aller trouver un peu de chaleur dans un magasin ou un restaurant des alentours. Mais quelque chose me retenait.

 

Je restai planté là à les contempler jusqu’à la fin de leur répertoire. Imaginez, je crois même que je leur aie souri ! Ils étaient loin d’être d’excellents chanteurs, mais j’ai dû voir en eux quelque chose que je n’avais pas vu depuis très longtemps, surtout en me regardant dans le miroir. J’ai vu dans leurs yeux de la sincérité et de l’espoir.

      

J’ai été frappé en particulier par une petite fille au premier rang. On aurait dit que c’était sa première expérience, parce que, de toute évidence, elle ne connaissait pas trop bien les paroles. Elle ne cessait de regarder en direction des plus grands, comme si elle était sûre qu’il lui suffirait de suivre le mouvement de leurs lèvres pour se tirer d’affaire.

      

Toute ma vie, moi aussi, je m’étais plus ou moins tiré d’affaire, mais chez elle, c’était très différent. Elle n’était pas sceptique ni amère comme moi. Elle suivait les autres en toute confiance, persuadée qu’ils lui viendraient en aide, alors que moi, tout au long de mon existence, j’avais toujours eu peur de me faire écraser par les autres. Elle était naïve, bien sûr, mais combien j’enviais cette naïveté ! L’expérience que j’avais du monde m’avait appris à me tenir constamment sur mes gardes, et, à la longue, c’était fatigant.

      

Leurs chansons terminées, alors que nos jeunes chanteurs s’apprêtaient à partir, la petite fille me sourit. Puis, tandis que les autres s’éloignaient, elle me fit des signes de la main. Ces mélodies avaient eu l’effet de m’adoucir, mais ce simple sourire changea ma vie. Je me demande encore ce qui s’est passé, mais depuis ce moment-là, je me sens plus heureux, et – si vous voulez bien me croire — je suis plus aimable à l’égard de mes semblables, moins renfrogné.

      

 Et je suis au moins parvenu à la conclusion suivante : je crois que Dieu m’a souri à travers le visage de cette enfant. Je ne sais toujours pas s’il existe des anges avec des ailes, mais je suis sûr qu’il en existe avec des écharpes rouges et des bonnets de laine verts.

 

 

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